Friday, January 9, 2015

Reconstruction en Haïti : des maisons toutes neuves à l'abandon

Des maisons abandonnées, dans le complexe de Morne-à-Cabris, en HaïtiDes maisons abandonnées, dans le complexe de Morne-à-Cabris, en Haïti  Photo :  Emmanuelle Latraverse
Si Haïti se rétablit lentement du séisme, le vaste effort de reconstruction a aussi été marqué par des échecs retentissants. Regard sur deux d'entre eux.

Le complexe de Zoranje est tout juste à l'extérieur de Port-au-Prince. Il a été inauguré en grande pompe en 2011 par le président Joseph Martelly aux côtés de l'ex-président américain Bill Clinton, qui était alors envoyé spécial des Nations unies pour Haïti.
Plus de 2 millions de dollars ont été investis dans ce projet par la Fondation Clinton, la Banque interaméricaine de développement, la Deutsche Bank Foundation et les gouvernements britannique et haïtien.
La reconstruction s'annonçait belle et paisible pour les survivants du séisme.
Soixante familles devaient être choisies pour habiter cette communauté, où des prototypes de maisons modernes répondant aux besoins d'Haïti ont été construits pour servir de modèle aux autres projets de reconstruction.

Pour voir ces images de Zoranje et Morne-à-Cabris sur votre appareil mobile, cliquez ici.
Or, le site a été laissé à l'abandon. Les maisons n'ont jamais été terminées, les infrastructures sanitaires, jamais construites. Trois ans plus tard, des familles ont choisi de les squatter. Si les maisons se détériorent, si les toits coulent parfois, si les conditions de vie y demeurent bien trop précaires, pour les familles comme celle de Ketlèni Florvil, c'est la seule option possible.
Entrevue avec Ketlèni Florvil
« Maintenant quand il pleut, je peux dormir, mes enfants aussi », explique la jeune femme aux côtés de ses trois enfants. Sa maison n'a pas de fenêtres, elle doit même payer un loyer de 23 $ par mois à l'ingénieur qui a dessiné la maison, mais peu importe, ici elle respire un peu. 
« Dans les camps ce n'était pas bon du tout, je ne pouvais pas rester avec mes trois filles, il y a des gens qui violent les filles dans ce camp-là. Je ne pouvais pas rester. »— Ketlèni Florvil
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Morne-à-Cabris, comme une ville fantôme
L'immense complexe de Morne-à-Cabris se distingue à des kilomètres à la ronde. Une véritable cité moderne, construite presque au milieu de nulle part.
Les maisons de couleur pastel côtoient des immeubles à logements multiples. Ici aussi un complexe inauguré en grande pompe par le président Joseph Martelly en mai 2013.
Le projet d'une valeur de 44 millions de dollars prévoyait la construction de 3000 logements modernes, dotés d'eau courante, d'électricité, de toilettes et d'installations sanitaires décentes. Des rues pavées, des trottoirs, un petit lopin de terre, c'était la promesse du reconstruire Haïti en mieux.
Or, près de deux ans plus tard, c'est à peine si le tiers des logements sont occupés. La grande majorité des logements sont laissés à l'abandon. Ils ont été vandalisés, les portes volées, la plomberie démantelée.
Le complexe de Morne-à-Cabris ressemble davantage à une ville fantôme. Les deux tiers des logements sont inoccupés. Rares sont les familles qui ont les moyens de payer le loyer.
L'État haïtien est en plein litige avec le constructeur. Surtout, peu de familles veulent venir s'y installer. Le loyer de 54 $ par mois est bien cher dans un pays où 60 % de la population vit avec moins de 2 $ par jour. Surtout, le complexe est très loin de tous les services. Les transports vers Port-au-Prince sont rares et difficiles d'accès, il n'y a aucun emploi disponible dans le secteur.
« Le projet de Morne-à-Cabris, cette décision a été prise dans un contexte d'urgence où il fallait absolument offrir cette solution », explique Harry Adam, le directeur général de l'Unité de construction de logement et de bâtiments publics, l'organisme gouvernemental chargé de coordonner les projets de reconstruction. Il reconnaît du même souffle que c'est un échec.
« Nous avons commis la même bêtise avec tous les projets de logements; on a commencé les logements sans avoir identifié les bénéficiaires » concède-t-il.
Le gouvernement n'a tout simplement pas les moyens de construire toutes les infrastructures sociale et économique pour rendre de tels projets viables.


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